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Après six mille ans d’histoire holocène où la prédation marine des territoires fut lente, le 21ème siècle marque un changement radical dans les vitesses de modification des paysages côtiers.
Les formations naturelles et les marqueurs d’activité anthropique fossilisés constituent autant de témoins et d’analogues à même de nous permettre d’appréhender au mieux la résilience de ces environnements et des occupations humaines. Les zones d’inondation/submersion passées constituent des zones de fragilité préférentielle, présentant donc les plus fortes probabilités de réactivation en contexte de remontée rapide du niveau marin, à contrario des zones où les habitats sont restés stables au cours des millénaires.
Au cours de ces périodes de fortes variations des milieux naturels, les communautés littorales ont su s’ajuster voire s’adapter en dépit de leur vulnérabilité en faisant preuve d’une certaine souplesse dans l’occupation et l’exploitation d’un territoire mobile (changement d’économie de subsistance, retrait, aménagements…). Cette mémoire est cependant perdue en-deçà d’un ou deux siècles et n’existe plus que dans les archives archéologiques, encore incomplètement recensées et étudiées sur le littoral alors même qu’elles disparaissent au fil de la remontée du niveau marin.
Le présent projet vise à collecter des observations issues de la mémoire collective au travers de la bancarisation de documents iconographiques privés (photos, cartes postales, …). Il s’inscrit dans la dynamique de plusieurs projets lancés dès 2013, les projets LITAQ (INTERLABEX COTE/LASCARBX : Du Pléistocène à l’Anthropocène : connaître les mécanismes passés d’évolution des populations -végétales, animales, humaines- et des milieux pour prédire les réponses futures. L’exemple du LITtoral AQuitain, 2013-2015, http://litaq.huma-num.fr) et EC2CO DRIL FAST-LITAQ (Formations Argilo-Sableuses & Tourbes LITtorales AQuitaines : de leur intérêt dans l’évolution des falaises dunaires du Médoc, 2016-2017, http://www.geocean.net/wikilitaq/doku.php). Ces deux projets se sont enchaînés en couplant les compétences pluridisciplinaires d’archéologues, géographes et géologues afin de mieux appréhender les dynamiques d’évolution hommes/environnements/climats des littoraux nord-médocains à l’échelle préhistorique et historique. Ils sont aujourd’hui relayés par le projet Nouvelle aquitaine ESTRAN (Erosion et Société dans le Temps long sur les Rivages de l’Aquitaine Nouvelle) qui implique notamment une communauté non-académique très élargie (Communauté de Communes Médoc-Atlantique- CDCMA, Département des Recherches Archéologiques Subaquatiques et Sous-Marines-DRASSM, Bordeaux Métropole, Service Archéologique Départemental de Charente-Maritime, Service Régional de l’Archéologie Nouvelle-Aquitaine, Service du Patrimoine et de l’Inventaire – Site de Bordeaux, Archives Départementales de la Gironde, Archives du Port Maritime de Bordeaux, BRGM Direction Nouvelle-Aquitaine).
Nos travaux visent à reconstituer l’évolution des territoires et habitats littoraux au cours des temps passés afin de cerner les zones critiques dans un contexte d’accélération de remontée du niveau marin. A la faveur des avancées scientifiques obtenues depuis 2013, des discussions menées avec l’ensemble des partenaires, et des échanges avec les promeneurs lors de nos fouilles sur la plage, il est apparu évident que nos observations pouvaient s’enrichir d’une participation effective de la population locale ou de passage, notamment au travers de la collecte de documents iconographiques. Nombreux sont les témoins qui nous rapportent spontanément leur mémoire d’évènements et de découvertes sur la plage qu’ils ont parfois photographiés. Ce projet mise sur l’intérêt croissant que les habitants portent à leur territoire fragilisé par la transition environnementale majeure qui caractérise le 21ème siècle.
Nous espérons collecter des documents inédits et créer ainsi un observatoire de la mémoire des changements qui ont marqué les derniers 120 ans, et ainsi en assurer la bancarisation et la pérennisation.
Un des objectifs concrets de ce projet est de constituer un calendrier rétrospectif illustré comblant les hiatus dans les observations scientifiques car nos missions de terrains restant ponctuelles, nous savons passer à côté d’évènements importants car la variabilité de l’état des plages est grande avec une couverture de sable mouvante d’une marée à l’autre sur les formations. Un autre aspect problématique est
lié aux travaux menés sur la plage qui, pour recharger ces dernières en sable, peuvent aussi altérer les formations étudiées.
Le dernier rapport du GIEC Aquitain met en exergue la dimension de perte de “mémoire” subie par nos sociétés modernes depuis un demi-siècle comme un facteur d’aggravement des risques (Garnier et al., 2017). Si cet oubli sociétal est difficilement contournable (sur-focalisation sur les problématiques actuelles), une “mémoire” subsiste pourtant dans les archives géologiques récentes des littoraux, telles celles du secteur de Soulac/mer. Les submersions subies par les sociétés anciennes lors de la remontée du niveau marin accompagnant les dix derniers millénaires ont en effet piégé les traces d’activités anthropiques sur l’ensemble du territoire maritime. Ces vestiges submergés ou en cours de submersion constituent des témoins exceptionnels de la résilience des territoires et des sociétés.
De cette mémoire géologique ou archéologique, peu lisible pour les non-spécialistes, nous souhaitons passer à une mémoire citoyenne, accessible à tous et construite par tous.